BASES DE LA CULTURE DES BONSAÏ
Au début du premier millénaire, la Chine découvre que les plantes peuvent être cultivées hors du sol, sur des plateaux ou dans des pots : c’est à ce moment-là que tout commence.
L’origine du mot bonsaï est d’ailleurs la simple juxtaposition de deux caractères dont le premier signifie « contenant », « plateau » ou « pot » ; et le second pouvant se traduire par « cultiver une plante ».
Au cours des siècles, les techniques de culture des plantes en pot s’est répandue à travers le monde entier au gré des échanges plus ou moins pacifiques entre pays. Le développement - et le prestige - de la poterie chinoise ne sont sans doute pas étrangers à cette expansion.
Le Japon, parmi d’autres pays d’Asie, a fait sienne cette pratique en la faisant évoluer et en la codifiant plus que tout autre à la fin du XIXème siècle. Le mot bonsaï a vu son sens évoluer pour se restreindre à la notion d’arbre en pot à laquelle s’est adjointe une part significative d’esthétique.
Ce pays a cependant longtemps maintenu le secret sur ses techniques de culture des bonsaï. Dans le dernier quart du XXème siècle et face la désaffection grandissante du public japonais pour cette tradition, le gouvernement nippon a décidé de partager largement ce savoir-faire avec le reste du monde, de peur qu’il ne se perde.
Sur bon nombre d’aspects, ces techniques élaborées empiriquement au cours des siècles rejoignent les conclusions de l’agronomie moderne en matière de culture de plantes en conteneurs.
Le développement et la santé d’un bonsaï reposent, avant tout, sur ce qui nous est invisible au quotidien : la vie à l’intérieur de son pot.
Ce qui est visible
Là où vit l'essentiel
Les arbres absorbent l’eau et les nutriments principalement grâce à des poils absorbants situés seulement à l’extrémité des racines ; le reste de leur longueur ne sert qu’à fixer le végétal au sol et n’exerce plus de fonction nourricière.
Plus les racines sont divisées, plus elles possèdent d’extrémités actives.
L’espace dans le pot étant limité, il est nécessaire de permettre aux bonsaï de disposer d’un accès maximum aux faibles ressources disponibles.
Le rempotage permet d’atteindre cet objectif en favorisant le développements de nombreuses jeunes radicelles, porteuses de poils absorbants, et en éliminant les vieilles racines devenue inutiles.
La fixation autonome de l’arbre au sol, rendue impossible par la suppression des racines ayant ce rôle, est assurée par des moyens mécaniques (fils métallique, raphia, ficelle ...).
Le système racinaire est ainsi régulièrement rajeuni et ses capacités d’alimentation maximisées.
Comme le sol d’un forêt, le pot d’un bonsaï est un véritable écosystème : s’y développent des bactéries, des mycorhizes et des petits insectes qui concourent tous à un fragile équilibre qui favorise le développement et la bonne santé de l’arbre en mettant à sa disposition de l’eau et des nutriments absorbables.
Ainsi, les mycorhizes - champignons symbiotiques avec les racines - permettent de multiplier par plusieurs dizaines la capacité de l’arbre à s’alimenter. En retour, ce dernier leur fournit une partie des glucides qu’il produit grâce à la photosynthèse. De même, les bactéries et insectes dégradent les matières organiques pour les transformer en nutriments utilisables par l’arbre.
Le choix de la composition du substrat dans le pot, les soins que nous lui apportons, et la maîtrise des apports en eau et en engrais permettent de maintenir cet écosystème en plein fonctionnement opérationnel. Il faut cependant avoir conscience que plus le pot est petit, plus cet équilibre est délicat à maintenir.
Pour que l’écosystème du pot fonctionne au mieux, il est impératif que substrat qu’il contient fasse circuler l’air, absorbe de l’eau sans demeurer détrempé, et retienne les nutriments.
Un bonsaï peut demeurer plusieurs années sans être rempoté : le substrat doit donc être en mesure de conserver ces mêmes qualités au cours de ces longues périodes, malgré les arrosages quotidiens répétés et les agressions du climat, comme le gel ou les périodes de fortes chaleur.
Dans l’espace exigu du pot, chaque centimètre cube est important : un espace vide (poche d’air) fait mourir les racines qui le rencontrent ; une composition hétérogène empêche un développement harmonieux du pain racinaire.
Un bon substrat répond à une alchimie de compromis mettant en regard les besoins de l’espèce concernée, le choix des composants et la durée d’utilisation avant le prochain rempotage.
En l’absence de nutriments (azote, phosphore, potassium et autres oligo-éléments), une plante perd de la vigueur ; elle plus sujette aux maladies. Elle ne se développe pas correctement et son feuillage présente des décolorations.
La majeure partie des nutriments est absorbée par les racines, le reste provient de ceux qui sont transportés par les eaux de pluie et captés par les feuilles.
Dans un pot, ceux apportés par un engrais liquide chimique disparaissent complétement après deux semaines d’un arrosage normal. Il est donc nécessaire d’apporter régulièrement de l’engrais dans le pot d’un bonsaï.
L’engrais organique solide présente l’avantage d'éviter la brulure des racines. Il se désagrège progressivement au gré des arrosages et ne peut être renouvelé que toutes les six semaines (contre une à deux pour la forme chimique liquide). Pour être absorbé par un arbre, il doit cependant subir un phase de dégradation assurée par l’écosystème du pot, d’où l’importance de conserver ce dernier en pleine activité.
L’arbre favorise les bourgeons apicaux
… fait également le bonheur des autres !
Un système racinaire en bonne santé alimente l’ensemble de l’arbre en eau et en nutriments. Les feuilles disposent des éléments nécessaires à leur bon développement et sont plus résistantes aux attaques des maladies, des insectes et des agressions climatiques.
Elles peuvent ainsi assumer leur fonction de photosynthèse et alimenter l’arbre avec les glucides qu’elles produisent.
Chez certaines espèces, les racines sont encore plus directement liées aux branches que chez les autres. Les genévriers, par exemple, ont des canaux de sève différenciés reliant une partie des racines à une partie du feuillage : qu’il advienne que ces racines meurent, les branches associées sèchent également. La réciproque est également vraie.
On constate aussi qu’un système racinaire bien ramifié favorise une ramure présentant la même qualité. Un tronc fort avec peu de branche latérales correspond souvent au développement d’une racine pivot.
Tous les efforts de travail des racines et des branches d’un bonsaï ne sont récompensés que si l’arbre est positionné dans un emplacement favorisant son développement.
Le principal facteur de réussite est la qualité de son exposition à la lumière du soleil.
En effet, les plantes, comme les animaux, se nourrissent de glucides pour vivre et croitre. Chez ces derniers, les glucides sont apportés par la nourriture qu’ils consomment, sous forme directement assimilable ou issus de l’action du système digestif. Chez les plantes, ils sont synthétisés à la travers le mécanisme de photosynthèse qui, à partir du dioxyde de carbone de l’air et des rayons ultraviolets, produit des glucides et du dioxygène.
Sans lumière, la plante meurt simplement de faim.
Pour éviter cette fin tragique, elle favorise les branches les mieux exposées, quitte à abandonner celles qui le sont moins bien.
Il est donc essentiel de positionner les bonsaï dans un environnement exposé d’une manière homogène à une lumière contenant des ultraviolets.
Le développement de l’arbre est, en particulier, piloté par deux phytohormones : l’auxine et la cytokinine.
L’auxine qui est produite par les bourgeons terminaux et les jeunes feuilles. Elle favorise l’allongement des pousses et le développement de l’extrémité des racines existantes, en bloquant celui des bourgeons auxiliaires.
La cytokinine est générée par l’extrémité des racines. Elle est à l’origine du réveil des bourgeons auxiliaires et dormants.
Chez un jeune arbre, avec peu de ramification, l’auxine est dominante (une seule pousse et peu d’extrémités racinaires). Cela lui permet de grandir rapidement pour s’extraire de la végétation environnante et atteindre la lumière du soleil : c'est la dominance apicale.
Lorsque l’arbre s’est extrait de la zone ombragée ou a atteint la hauteur pour laquelle il est génétiquement programmé, les racines se ramifient et la production de cytokinine augmente, s’équilibrant avec celles de l’auxine : les branches latérales sont alors autorisées à se développer.
Cependant, même à ce stade, l’auxine est toujours en plus forte proportion dans les bourgeons situés à l’extrémité des branches de la ramure qu’à l’intérieur de celle-ci, favorisant toujours la meilleure exposition des feuilles à la lumière.
Un fait est certain : au cours de la culture d’un bonsaï, l’arbre n’atteindra jamais la taille pour laquelle il a été génétiquement programmé (sauf à le replanter directement en pleine terre ou il reprendra sa croissance normale et les dimensions de son espèce).
Que se passe-t-il lorsque nous appliquons les techniques de culture des bonsaï ?
Lorsque nous taillons les extrémités des branches, nous diminuons la production d’auxine.
Lorsque nous rempotons, nous favorisons la division des racines, en augmentant le nombre de leurs extrémités : la production de cytokinine croît.
Globalement, la proportion entre auxine et cytokinine s’équilibre, faisant croire à l’arbre qu’il a atteint un stade de maturité. Il développe alors « naturellement » une forme proche d’un arbre mature.
Pendant les stades de formation, il est possible de favoriser le grossissement d’un tronc ou d’une branche en laissant d’auxine agir en ne taillant pas la pousse terminale. Il faut alors s’attendre au développement de racines plus fortes que les autres.
Ne travailler que des arbres en pleine forme
Les tailles sollicitent fortement les ressources de l’arbre qui doit, plus qu’il ne l’aurait fait sans intervention extérieure, développer de nouvelles cellules pour renouveler ses racines et ses branches.
Il faut lui laisser le temps de produire des glucides pour alimenter son développement cellulaire sans quoi il ne fait que s’affaiblir.
Après un rempotage au cours duquel on a réduit fortement le pain racinaire, on lui laisse le temps de récupérer en ne taillant pas ses branches pendant toute un année ; après un taille de structure importante de la ramure, on applique le même approche.
Il est également préférable d’éviter d’utiliser la technique de défoliation systématiquement à la fin du printemps de chaque année : après la suppression des feuilles et dans l’attente d’une nouvelle pousse, l’arbre ne produit plus de glucides, mais surtout consomme toutes les réserves qu’il avait accumulé depuis le début du printemps. Il s’affaiblit alors inexorablement année après année.
Enfin, après une attaque par des maladies ou des insectes, il est également indispensable d’attendre que le bonsaï reprenne de la vigueur avant de reprendre les travaux.
Si les bonsaï sont petits, les maladies et les insectes qui les attaquent sont grandeur nature.
Cela peut, dans de très rares cas, constituer un avantage. Le cas de l’orme est intéressant de ce point de vue : les adultes de cette espèce ont quasiment disparu du paysage européen, attaqué par une maladie fongique (la graphiose) transmise par un insecte (le scolyte) porteur de spores du champignon. Cependant, la maladie ne touche pas les individus les plus jeunes dans la mesure où elle a besoin que les canaux d’alimentation en eau de l’arbre soient d’une taille suffisante pour s’y développer. Les bonsaï d’orme ne sont donc pas concernés.
Dans tous les autres cas, les mesures préventives et curatives applicables aux bonsaï face aux maladies et aux insectes ravageurs sont identiques à celles prises pour les individus qui se développent en pleine terre et appartenant à la même espèce.
L’application éventuelle de traitements phytosanitaires doit respecter les mêmes dosages standard, ceux recommandés par les fabricants.
La pluie ne suffit pas pour arroser un bonsaï
Notre passion du bonsaï ne peut s’étendre, tout au plus, que sur une grosse soixantaine d’années, en commençant tôt.
Les perspectives de l’arbre s’étendent sur des durées nettement supérieures : la plupart d’entre eux ont une durée de vie atteignant ou dépassant allègrement le siècle ; certains assument le millénaire (comme les ifs) ou plus (séquoias, certains pins et cèdres du Japon).
Leur rythme de développement est en relation avec cette longévité.
Ainsi, avant de voir apparaître des fleurs sur une glycine issue d’une graine, il faut attendre dix ans en moyenne. De même, les jeunes pins ont en général un développement très limité pendant les cinq premières années de leur vie.
Cette échelle est également applicable au temps que l’arbre prend pour se remettre d’une agression extérieure ou des travaux que nous réalisons.
Il est judicieux de choisir l’espèce et ses caractéristiques de développement, ainsi que l’état d’avancement de l’arbre dans sa vie de bonsaï, en fonction de nos envies et de nos perspectives propres.
Au fil des millénaires, les arbres se sont adaptés au rythme et aux contraintes des saisons dans leur milieu naturel.
Si ceux issus des régions tropicales ou équatoriales conservent une activité soutenue tout au long de l’année, ceux nés sous des climats tempérés ont un métabolisme qui est en phase avec les saisons.
Pour eux, l’hiver constitue une période de dormance durant laquelle les racines n’ont que très peu d’activité : vouloir rempoter au début de cette saison laisserait des racines incapables de cicatriser pendant la saison froide, constituant autant de points d’entrée pour les maladies responsables de leur pourriture.
La taille des branches en hiver peut présenter les mêmes risques, mais peut être sécurisée par l’utilisation de mastic.
De même, vouloir tailler des branches après le milieu du mois d’août risque d’engendrer la croissance de bourgeons secondaires qui n’auraient pas le temps de durcir avant l’arrivée de l’hiver et mourir au cours de cette saison.
Respecter les rythmes biologiques de nos bonsaï, permet de les maintenir en bonne santé et de favoriser leur mise en forme.
L’enseignement japonais - considéré de manière un peu trop général certainement - reste à l’esprit des amateurs de bonsaï du monde entier.
Cependant, le Japon s’étend sur 2 200 kilomètres du nord-est au sud-ouest (de 20 à 46 degrés de latitude Nord) entouré par la mer. Il présente une grande variétés de climats, du subarctique, au subtropical, tous influencés par les zones montagneuses. A titre d’exemple, la région de Tokyo – pourtant situé à la latitude d’Athènes – est soumise à de fortes précipitations en juin et de septembre à octobre, les mois de juillet et d'août n'étant pas en reste en nombre de jours de pluie ; l’hiver, quant à lui, est sec et ensoleillé.
Il est difficile de retrouver ce climat en France ces dernières années…
Nous subissons également tous ce qu’il est convenu d’appeler le dérèglement climatiques. Les anciens dictons français suivis par les jardiniers (« à la Sainte Catherine … », « S’il pleut à la Saint Médard … », …), outre le fait que les dates de ces fêtes ont été modifiées dans les calendriers, ne sont plus applicables.
Aujourd’hui plus que jamais, plutôt que de suivre les recettes importées ou anciennes, il nous appartient d’adapter nos pratiques à ce que la nature met à notre disposition.
En pratiquant le bonsaï, force est de constater que nous cherchons à reproduire, dans un pot, l’écosystème autours d’un arbre dans la nature.
Dans celle-ci, les nutriments sont apportés au sol par les végétaux et les animaux morts en décomposition grâce aux bactéries et champignons : c’est que nous faisons à l’aide d’engrais organique et la vie que nous entretenons dans le substrat de culture.
Positionnés à l’extérieur, nos pots reçoivent bien la pluie. Cependant, quelques chiffres montrent bien qu’il est vain de lui faire confiance pour subvenir aux besoins de nos arbres.
On peut considérer que l’arrosage bien fait et complet d’un bonsaï nécessite une quantité d’eau de l’ordre de grandeur de la moitié de son volume : pour un pot long de 20 centimètres, le volume nécessaire est d’environ 0,9 litres.
La pluviométrie annuelle moyenne en France est 750 litres par mètre carré (750 mm par an). La pluie apporte donc 21 litres d’eau par an sur un pot d’une longueur de 20 cm (280 centimètres carré), soit environ 23 arrosages … on est bien loin du nombre d’arrosages nécessaires dans la pratique !
La ramure de l’arbre est également à prendre en compte : lorsqu’elle est en feuilles, elle fait office de parapluie sur certaines espèces.
La surveillance du besoin d’arrosage est donc bien indispensable au quotidien.
Chaque espèce d’arbre est adaptée à un milieu particulier et aux conditions de vie qui y règnent : températures, précipitations, rudesse des événements climatiques, enchainement des saisons … Elle possède également des caractéristiques qui lui sont propres comme son mode de croissance, la forme de sa ramure ou le port de ses branches les plus anciennes. Soumise à des conditions extrêmes dans son milieu naturel, elle peut adopter des formes inhabituelles (arbres soumis à des avalanches, au vent, poussant à flanc de montagne, …) qui sont également exploitées pour développer certains bonsaï.
On peut chercher à cultiver un bonsaï venu d’ailleurs sous nos climats, ou à tenter de donner à un arbre une forme qui ne lui est pas naturelle … Il a cependant des limites raisonnables à ne pas dépasser.
Ainsi certains bonsaï commerciaux élevés dans des région tropicales, ou subtropicales, et vendus comme « bonsaï d’intérieur » ont du mal à survivre en appartement : si la température de leur milieu naturel peut être atteinte, il est beaucoup plus difficile de reproduire le niveau de luminosité et le degrés d’humidité qui leur sont nécessaires.
De même, le style dit « en cascade » - reproduisant un conifère à flanc de colline avec des branche tombantes - est difficilement tenable sur des arbres à feuilles caduques qui ont du mal à supporter des branches en dessous du niveau des racines.
Avec le réchauffement climatique, on peut légitiment s’interroger, comme les gestionnaire des forêts, sur l’opportunité de la culture des espèces méditerranéennes en bonsaï dans des régions plus septentrionales.
Un minimum de respect de la nature profonde de chaque espèce évite bien des désillusions dans leur culture en bonsaï.
La notion de bonsaï « instantané » est une illusion maintenu par certains démonstrateurs sur les réseaux sociaux, dans les salons ou dans les magazines. Ce qu’ils ne disent pas nécessairement, c’est qu’ils ont, en amont et pendant parfois de nombreuses années, préparé l’arbre et que ce dernier mettra un temps certain pour se remettre de l’opération.
La construction d’un bonsaï repose en réalité sur un certain nombre d’étapes.
La première consiste d’abord à mettre en place un système racinaire adapté à sa vie en pot : que ce soit un jeune plan, un arbre prélevé dans la nature ou un bonsaï ancien qui a perdu en vigueur, cette étape est vitale au sens propre.
Vient ensuite la formation du tronc, soit à partir de pratiquement rien pour les semis, soit par une sélection minutieuse des branches auxquelles on souhaite faire jouer ce rôle.
Le choix et le travail des branches secondaires constituent l’étape suivante pendant laquelle l’arbre commence à prendre un aspect esthétiquement intéressant.
Le développement des ramifications des branches secondaires nous permet d’entrer dans le stade de raffinement du bonsaï.
Essayer de mener plusieurs étapes de front, ou en passer une, amène souvent à des retours en arrière engendrant parfois un délai supplémentaire de plusieurs année avant d’obtenir un bonsaï digne de ce nom.
Entre chacune d’entre elles et pour la santé de l’arbre, il est également nécessaire de veiller à ce qu’il recouvre des forces après avoir été soumis à des stress de toutes nature : rempotage, taille, torsion des branches ou création de bois morts.
Travailler un bonsaï, c’est coopérer avec le vivant : la réaction de l’arbre face à ce nos interventions n’est jamais totalement prévisible, voire parfois étonnante.
A la fin de chaque étape de la formation du bonsaï, il est certainement bon de prendre le temps d’observer et de mesurer ses réactions.
Après le rempotage, la croissance reprend-t-elle normalement ?
Des branches se développent-elles aux emplacements que nous attendions ?
Les branches ligaturées réagissent-elles bien ?
Celles qui ont été supprimées n’engendrent-t-elles pas l’affaiblissement ou les dessèchement du tronc ou des branches environnantes ?
A nous de réagir en laissant plus de temps à l’arbre pour se rétablir … ou en modifiant notre plan de travail pour nous adapter à la nouvelle configuration.
Parfois, le bonsaï nous suggère de lui-même une nouvelle voie à laquelle nous n’avions pas pensé et qui, finalement, est celle qui convient le mieux à sa nature profonde.
Il est bien naturel de vouloir atteindre le plus vite possible un bonsaï aux formes idéalisées qui a même pu être représentée sur un dessin.
Cependant l’évolution et les réactions de l’arbre peuvent nous amener sur un tout autre chemin, vers une destination différente.
Comment alors ne pas être frustré que notre idéal initial semble impossible à atteindre ?
Une première piste consiste à mesurer le chemin parcouru depuis le début de nos travaux : nous avons parfois tendance à oublier d’où nous sommes partis. La constitution d’un album photographique de l’arbre, depuis le début sa prise en charge, permet de garder mémoire de son évolution.
Une seconde piste est plus contemplative : prendre le temps d’apprécier les résultats de chacune étape sur l’arbre et ses réactions pour s’en réjouir ou imaginer un nouveau projet.
Enfin, rien n’est plus frustrant que de conserver l’image initiale de la forme que nous souhaitions donner à l’arbre si ce dernier ne nous y autorise pas. Il est alors préférable de dessiner un nouveau projet motivant … et de jeter l’ancien au fonds d’un puits, dans un coffre dont perdrons la clé.
Comment se forge notre sens esthétique face à un bonsaï ?
Celui du grand public ou des débutants est plutôt celle issu des bonsaï rencontrés en jardinerie ou dans la grande distribution : un tronc en forme de « S », au mieux réalisé en trois dimensions, et quelques débuts de plateaux. Ils sont issus de production de masse - quasi industrielle - dans des régions subtropicales dans lesquels les arbres poussent vite et pendant toute l’année.
Avec l’intérêt grandissant pour la discipline, l’attention se porte sur la masse des images disponibles sur Internet dans laquelle les bonsaï japonais actuels sont omni présents.
Viennent ensuite la visite d’expositions. En Europe, de l’Ouest, le style japonais est très largement dominant. Comment interpréter le fait que certains se réjouissent du fait que « le niveau des bonsaï présentés a beaucoup augmenté ces dernières années » ?
N’est pas simplement que les professionnels et les amateurs présentent des bonsaï qui se calquent mieux les normes japonaises ?
Sommes-nous allés voir du côté de pays qui pratiquent le bonsaï depuis des siècles et qui ont créé leur propre style comme la Chine ou le Vietnam ?
Avons-nous regardé les arbres des professionnels européens comme américain qui développent d’autres styles, plus naturels pour les uns ou qui peuvent paraitres excentriques pour les autres, ou même du côté des plus anciens et vénérables bonsaï du Japon provenant la collection impériale ?
Les écoles d’art proposent depuis des siècles des cursus commençant par l’imitation des maîtres pour permettre aux élèves de prendre ensuite leur envol. C’est une approche qui a fait ses preuves … encore faut-il que les exemples soient diversifiés.
Pour finir cette réflexion, une remarque provenant d’un visiteur dans un exposition d’amateurs à qui on demandait quel était le bonsaï qu’il avait préféré : il a choisi immédiatement, et avec enthousiasme, un petit genévrier « parce qu’il est randonneur et que ce bonsaï lui évoque les arbres rencontrés au cours de ses promenades en montagne » … le bonsaï concerné ne se conformait pas à un style japonais codifié …
Pratiquer un art, n’est-ce pas simplement transmettre une émotion ?
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dernière mise à jour : 27 novembre 2023